Montreuil, Seine-Saint-Denis. Entre cités HLM et coquets pavillons, subsistent les vestiges d’un autre temps, les Murs à Pêches. S’ils témoignent d’un riche passé horticole, ils sont aujourd’hui encore un lieu de « culture » sous toutes ses formes.
Associations, théâtre, jardiniers investissent ce dédale de jardins et de murs pour y insuffler une nouvelle vie.
Rencontre avec l’un d’entre eux, Patrick Fontaine, « passeur d’histoire » qui dans son jardin fruitier fait le lien entre hier et aujourd’hui, en faisant perdurer des techniques ancestrales.
En 2010, Patrick récupère une parcelle de 200 m2. Ce tas de cailloux n’a alors rien d’un enchantement. Avec un peu de rêve et beaucoup de travail, l’ancien cuisinier parvient à créer un petit paradis, qui sera classé « Jardin remarquable » en 2019.
Parti de rien ? pas tout à fait… Dans les années 90, Patrick a eu la chance d’intégrer l’école de Beaujeu aujourd’hui fermée. On y étudiait l’agrobiologie, la biodynamie, la permaculture de manière très pratique. On y rencontrait des enseignants aussi engagés que Claude Bourguignon ou Pierre Rabhi. C’est cet héritage qui pousse aujourd’hui Patrick à militer pour le bio, proscrire l’usage des chimies de synthèse, jardiner avec les astres, utiliser des graines reproductibles, prôner la diversité des cultures…
Pour produire ses fruits d’exception, Patrick utilise la technique du « palissage à la loque » utilisée par les premiers horticulteurs montreuillois. Attachés le long des murs de plâtre orientés Nord-Sud, les arbres profitent de la chaleur emmagasinée toute la journée. Contraindre leur forme est une manière de gérer les flux de sève et ainsi de favoriser la fructification. L’arbre prend peu de hauteur, ce qui facilite le travail de la taille et de la récolte.
Hermine la poule le sait elle ? Elle fait partie d’un « système agricole », terme utilisé par Rudolf Steiner, le premier théoricien de la biodynamie. Patrick mélange les déchets verts à la fiente de poule pour obtenir un formidable engrais biologique.
Cette autre technique ancienne a fait l’âge d’or des jardins de Montreuil… le marquage des fruits.
Sur une variété de pommes rouges, on encolle des pochoirs avant qu’elle ne mûrisse. Il faut attendre quelques mois pour que la pomme se colore… sauf sous le pochoir où elle est restée verte.
Et croyez-moi ! Les pommes de Patrick n’ont pas à rougir devant celles que l’on trouvait à la cour de Versailles !
Exit les produits phytosanitaires ! Les petits sachets protègent les pommes des carpocapses, ces petits vers qui vous déciment une récolte !
Bien sûr, il existe des formes fruitières de référence : espalier, contre-espalier, palissage à palmettes… elles sont recensées dans l’encyclopédie des formes fruitières de Jacques Beccaletto. Mais rien n’empêche le jardinier d’être créatif ! Patrick conçoit son jardin comme « un grand tableau ». Comme tout artiste, il a des « périodes » qui reflètent ses états d’âme.
Son jardin est aujourd’hui riche de 40 formes fruitières, c’est plus qu’au jardin de Versailles !
Grâce à l’établissement de plans de culture, et en choisissant des variétés précoces et tardives, Patrick produit des pêches pendant plusieurs mois de l’année. Grosse mignonne, Téton de Vénus, Noire de Montreuil, ou Reine des Vergers, ses fruits ont du caractère et du goût !
Dans le jardin de Patrick, on trouve 65 variétés de fruits. Que ce soit pour ses plantations ou ses greffes, il se fournit parmi les catalogues de Croqueurs de Pommes, Kokopelli, Germinance qui défendent la sauvegarde des variétés rustiques et en voie de disparition.
On n’a rien sans rien ! Pour avoir un si beau jardin, il faut être présent tous les jours. Mais pour Patrick, ce n’est pas un sacerdoce, il n’y a que du plaisir ! Pour ce pratiquant de yoga et méditation, le jardin est une autre thérapie douce !
Chaque année, Patrick reçoit de nombreux visiteurs, des classes, des associations. Il a reçu différentes distinctions pour son travail, dont le 1er prix du concours départemental des Jardins partagés pédagogiques. C’est pour lui un accomplissement, une fierté. Mais le rêve n’est pas terminé… Patrick ambitionne de faire classer son jardin à l’UNESCO. A suivre…