Plein Air : sous les pavés… des fleurs…

Dans les hauteurs de la capitale, à l’abri du bouillonnement et des turbulences de la ville, se cache Plein Air, la première ferme florale parisienne… Il faut traverser le cimetière de Belleville puis passer une petite porte secrète pour la découvrir. Hesperis, cosmos, dahlias, coquelicots… plus de 200 espèces de fleurs s’enchevêtrent dans ce jardin aux airs de paradis originel… Pour le visiteur, c’est un enchantement. Pour Masami Charlotte Lavaut, qui porte son projet à bout de bras depuis 4 ans, c’est une philosophie à partager, mais aussi un dur labeur.

Masami Charlotte a grandi à Paris… Après des études et un début de vie professionnelle dans le design, elle plaque tout pour se former à l’agriculture à travers le monde : au Maroc, au Pays de Galle, au Japon. Il faut une belle dose de ténacité pour se présenter dans les fermes agricoles avec comme seul bagage sa volonté d’apprendre. De retour dans sa ville natale, elle fait ses premiers pas de floricultrice à Montreuil, puis obtient une parcelle au pied du réservoir d’eau via les Pariculteurs.

L’agriculture est un monde d’hommes. Masami doit sans cesse prouver sa légitimité. Non, faire pousser des fleurs n’est pas charmant, ce n’est pas un hobby, mais un travail auquel elle s’adonne 70 heures par semaine. Il faut mouiller sa chemise pour réussir à exploiter sa parcelle de 1200 m2 et parvenir à vivre de sa production !

Depuis mars 2020, Anna est entrée dans l’aventure. Son arrivée est un souffle d’air frais. Venue du marketing, le travail en plein air et les cycles de la nature ont remplacé l’espace de coworking et les horaires de bureau ! Masami a enfin le temps de penser à faire des projets. « Avant, je conduisais seule un poids lourd, aujourd’hui, on peut s’échanger le volant de la camionnette ! »

Leurs bouquets sont commercialisés auprès des fleuristes et des particuliers. A travers eux, elles transmettent « de la joie, du baume au cœur », une énergie que ne peuvent pas véhiculer les fleurs coupées importées du Kenya ou des Pays-Bas trop souvent produites dans des conditions d’exploitation humaine et environnementale.
Et grâce à la vente directe, ce « baume au cœur » devient un luxe accessible.
Si Masami plonge dans son enfance, elle ne voit pas ce qui a pu impulser sa vocation … pas de verdure à l’horizon, mais du béton et des pavés… Son éducation franco-japonaise, lui a fortement inculqué la notion de respect, celui de la terre et du vivant. Pour elle, « l’écologie doit être humaniste ». Elle cultive sa relation à l’autre avec humanité ; son champ en biodynamie, sans intrants ni labour, pour respecter au mieux la structure du sol et les micro-organismes.
Et ça grouille de vie dans le champ de Masami ! Au pied du grand Micocoulier, qui veille tel un vieux sage, c’est une explosion de couleurs ! L’ombre est une contrainte à laquelle Masami a su s’adapter : elle a choisi de cultiver des variétés vivaces, capables de fleurir sans pleine lumière et qui font le bonheur des insectes.

La transmission fait partie intégrante de la mission que Masami et Anne. Elles animent occasionnellement des ateliers dans les collèges, avec l’association Veni Verdi et souhaitent multiplier ces moments de partage.

A Plein Air, on peut s’offrir un bouquet de coquelicots. Une « poppy T.V » comme aime à la nommer Masami, pour profiter du plaisir fugitif d’observer les fleurs éclore, puis faner…  La frugalité, l’éphémère, « le contentement du peu » sont des valeurs portées par l’Ikebana, cet art floral japonais, que Masami enseigne au cours de ses ateliers.

Ce n’est qu’en atteignant un certain équilibre économique que Masami pourra prouver le bien-fondé de ses choix. L’agriculture ne peut pas être seulement militante, mais doit faire vivre ses acteurs. Masami s’est associée à la Ferme du Perche pour démontrer que les fermes biologiques à échelle humaine sont viables. Et s’il faut voter pour des champs de fleurs à perte de vue, nous on dit oui !
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